Le sommeil, un marqueur de la santé et de la santé mentale - MGEN
À l’occasion de la 23ème Journée du Sommeil®, organisée vendredi 17 mars par l’Institut National du Sommeil et de la Vigilance, et à la lumière de l’enquête INSV/MGEN 2023, les spécialistes insistent sur la dégradation de la qualité de sommeil des Français et sur la réciprocité entre les troubles anxiodépressifs et les problèmes de sommeil. Ils recommandent des mesures individuelles et collectives pour réduire les difficultés de sommeil, augmenter la qualité des nuits et préserver une bonne santé mentale : connaître nos propres besoins de sommeil pour mieux le gérer, apprendre à mieux réguler nos rythmes veille-sommeil ou encore placer la santé du sommeil au centre des enjeux médicaux, sociétaux et écologiques.
La qualité du sommeil des Français mise à l'épreuve par les crises et les rythmes sociaux et individuels
La dégradation de la qualité de sommeil, dont souffre plus d’1 Français sur 3, est associée à une réduction de la durée moyenne de sommeil et à des réveils nocturnes qui concernent 8 Français sur 10. Elle concerne en majorité les femmes (44%) et les Français qui se plaignent d’une difficulté de sommeil (58%), principalement l’insomnie et les troubles du rythme veille-sommeil.
Ce constat préoccupant peut s’expliquer par un faisceau considérable de facteurs économiques, sociaux et individuels qui met à mal notre rythme circadien parallèlement aux crises qui impactent le quotidien des Français (guerre en Ukraine, hausse des prix, inquiétudes à l’égard de la réforme des retraites...). Les Français attribuent aussi bien cette dégradation de leur sommeil à leur vie personnelle que professionnelle.
L’enquête met en évidence le lien entre cette dégradation de la qualité du sommeil et les troubles du rythme veille-sommeil dont 17% de personnes souffrent. Il est essentiel de comprendre que la qualité de sommeil est sous l’influence du rythme circadien que nous impose notre horloge interne, très précisément au cours de la journée de 24 heures. Le dérèglement de cette horloge retentit sur presque toutes les fonctions de notre organisme.
Chacun a sa propre horloge biologique interne et donc ses propres rythmes et ses propres besoins de sommeil qu’il convient de bien connaitre pour mieux les satisfaire. Même en matière de sommeil, les femmes et les hommes ne sont pas égaux ! Ces dernières sont plus sensibles à la lumière que les hommes et leur horloge biologique induit un besoin d’aller au lit 45 minutes plus tôt que les hommes en moyenne. De même, chez les adolescents - qui sont aussi plus sensibles à la lumière et naturellement décalés car c’est l’âge auquel leur système circadien arrive à maturité - la privation de sommeil peut provoquer une moindre régulation émotionnelle, une moindre adaptabilité au stress.
La qualité du sommeil des Français mise à l'épreuve par les crises et les rythmes sociaux et individuels
Des bonnes pratiques pour un sommeil de qualité inégalement connues des Français et des fausses croyances liées au cycle veille-sommeil.
Dans ce contexte, si la plupart des comportements néfastes pour le sommeil sont bien connus des Français, ils semblent, en revanche, moins bien connaître certains comportements aux effets positifs sur le sommeil :
• 46% des Français estiment que dormir plus longtemps permet de récupérer un manque de sommeil. Il est conseillé, au contraire, de conserver un rythme régulier tous les jours de la semaine.
• 29% estiment que pratiquer une activité physique intense avant d’aller se coucher va permettre de mieux dormir. Or, il est préférable de privilégier un sport doux le matin et plus cardio en milieu d’après-midi.
• 19% pensent qu’aller au lit 2 heures plus tôt que son heure habituelle est une bonne chose ce qui, au contraire, se coucher 2 heures plus tôt peut induire des troubles du sommeil et déclencher des insomnies chez les personnes prédisposées.
• 16% des Français - mais 23% des jeunes et 26% de ceux qui prennent des médicaments pour mieux dormir -, estiment que boire de l’alcool en soirée est favorable à un bon sommeil. Or, l’alcool, au contraire, déstructure le sommeil et perturbe ainsi l’horloge biologique.
Au regard de ces résultats, pour réduire les difficultés de sommeil et augmenter la qualité des nuits, l’INSV recommande d’appliquer quotidiennement les conseils des spécialistes. Si bien dormir nécessite de vivre dans un environnement sain, préservé des stimuli que sont le bruit, la chaleur, la lumière, cela implique également une bonne hygiène de vie.
L’enquête INSV/MGEN 2023 souligne que les problèmes de sommeil exacerbent les troubles anxiodépressifs et inversement
À l’instar des données des enquêtes de Santé Publique France depuis le début de l’épidémie de Covid en 2020, les résultats de l’enquête INSV/MGEN 2023 confirment que l'altération de la santé mentale est très liée à la détérioration du sommeil. Il aura en effet fallu la survenue de la crise du Covid et ses conséquences sur les troubles du sommeil et les troubles psychiques pour que l’on reconnaisse enfin les vertus du sommeil.
Les troubles anxiodépressifs modifient en effet le comportement des personnes déjà atteintes à l’égard de leur sommeil. À l’inverse, les troubles du sommeil ou de l’horloge biologique peuvent être à l’origine de troubles psychiatriques et constituent un excellent baromètre de l’humeur.
La réciprocité entre les troubles anxiodépressifs et les problèmes de sommeil est clairement mise en évidence par l’enquête INSV/MGEN 2023 :
• 30% des personnes dépressives souffrent d’insomnies et 23% des insomniaques souffrent de dépression,
• 35% des personnes anxieuses souffrent d’insomnies et 54% des insomniaques souffrent d’anxiété
• 25% des personnes anxieuses souffrent d’un trouble du rythme veille/sommeil et 45% des personnes ayant un trouble du rythme veille/sommeil souffrent d’anxiété.
Les femmes et les jeunes sont plus sujets à l’anxiété que le reste de la population de même que les personnes qui souffrent de troubles du sommeil et plus particulièrement d’insomnie. La dépression, qui touche indifféremment les hommes et les femmes, est aussi associée à un moins bon sommeil et à davantage de troubles du sommeil.
Près d’1 Français sur 5 a pris des médicaments pour dormir au cours des 7 derniers jours. Mais si l’on considère uniquement les personnes anxieuses, dépressives, insomniaques ou souffrant d’un trouble du rythme sommeil/éveil, elles sont plus d’1/3 à ne pas aller au lit sans s’appuyer sur cette béquille chimique. Si les troubles de la santé mentale et les troubles du sommeil semblent étroitement liés, le traitement médicamenteux des premiers ne règle pas systématiquement les seconds.
La santé du sommeil est au centre des enjeux médicaux, sociétaux et écologiques
L’enquête montre que l’éco-anxiété est impliquée dans la hausse de l’insomnie chez les jeunes adultes et en particulier chez les personnes anxieuses et dépressives. L’augmentation de l’insomnie observée chez les jeunes depuis 2 ans peut en effet être également attribuée à l’anxiété liée à la situation écologique, celle-ci engendrant un sentiment d’insécurité et d’inquiétude quant à leur avenir. Des études complémentaires sur la relation entre éco-anxiété et sommeil sont nécessaires.
Dans la mesure où le sommeil est un levier pour réguler l’état émotionnel d’une personne, il existe un véritable enjeu à poursuivre les recherches sur l’impact de l’amélioration du sommeil sur la santé mentale. Cela suppose de tenir compte des représentations des personnes à l’égard du sommeil et de l’environnement dans lequel ils vivent.
L’approche écologique de la santé est une démarche essentielle en médecine du sommeil. Le sommeil est en effet à l’interface de la physiologie et de l’écologie car il est modulé à la fois par des mécanismes propres à chaque individu et par le milieu extérieur. C’est pourquoi le sommeil doit s’inscrire dans le plan d’action « Une seule santé », qui promeut une approche globale comprenant à la fois la santé de l’Homme, de l’animal et de l’environnement